Ici sont enterrés des textes à vocation humoristique


MACHINE A ECRIRE

 

 

Pourquoi ce jour-là ? Vous ne savez pas trop.

Sans doute une envie de renouer avec de bonnes habitudes, perdues depuis longtemps. Comme si, vous baladant par hasard dans une brocante, vous étiez tombé sur une machine à écrire en état de marche.

Sauf que la brocante, c'est votre salon, et la machine à écrire, votre femme.

En premier lieu, vous vérifiez la marque et l'époque de l'engin – son alliance, donc -, et vous respirez : c'est bon, c'est bien la vôtre.

D'ailleurs, cette dernière s'étonne de voir vos doigts effleurer ses zones non érogènes, comme un gosse qui hésiterait à appuyer sur l'une des touches antiques de la machine. Monsieur n'ose tester la réactivité de l'objet...

Et pourtant, elle fonctionne !

Alors que vous chatouillez sa main pour voir s'il y reste des nerfs, Madame est prise d'un sursaut et se couvre la bouche : « Hips ! »

Tiens... vous aviez oublié que les préliminaires lui donnaient le hoquet. Du coup, vous prenez confiance, et faites chastement jouer vos phalanges sur ses cuisses.

Miracle ! Les touches fonctionnent et le chariot se décale !

Plein d'entrain, vous tapez :

« Ta mère suce des ites en enfer ! »

Bon, la lettre « b » ne marche pas : putain de ménopause.

 

Le problème qui se pose maintenant concerne les subtilités de la grammaire - car si vous savez plus ou moins qu'en appuyant ici, Madame fait « Ha ! », votre soudaine ardeur bute sur quelques soucis mécaniques qui laissent le désir de l'objet de votre désir sur les points de suspension...

« Dites-moi, ma chère, comment fait-on un retour à la ligne ? »

Le regard perplexe de votre épouse vous répond :

« Veuillez consulter le mode d'emploi. »

Qu'importe. Quitte à ne pas savoir ce qu'on fait, autant être curieux et se servir de tout.

D'abord, vous retirez soigneusement à Madame les épaisseurs de son corsage – on enlève le ruban encreur, et on frappe à même la feuille. Du reste, cette méthode rend l'impulsion plus précise : en témoigne le triple « Hips ! » qui congratule votre audace. Madame n'est pas contre, alors vous tapez plus vite – mais vous tapez n'importe quoi :

« La eauté de votre uste fait ondir ma ite. »

Puis :

« Votre oitrine arfaite fait oindre mon énis. »

Allons bon, voilà que la lettre « p » vous lâche !

Madame s'interroge un peu, mais maintenant qu'elle a pris le rythme de l'histoire, elle veut connaître la fin :

Mon dieu ! le va-et-vient frénétique et dément du chariot : rappel arrière – barre d'espace, retour à la ligne – tabulation...

Madame éternue. Fichtre, c'est qu'on passe aux choses sérieuses !

Soudain, fiévreuse, elle s'écrie :

« Aaah ! Tape en majuscules ! TAPE EN MAJUSCULES ! »

 

Tout s'emballe : les tiges des touches s'emmêlent et se coincent, la courroie de tension se bloque, la bobine du ruban saute. Vous perdez les pédales. Vous criez :

« RAAAaaah ! Chiffre d'affaiiire ! Bénéfiiices ! Suppression de pooostes !!! »

 

Plus tard, elle vous reprochera d'avoir brisé la magie de l'instant en parlant de travail.

 

 

 


 

SOIREE ROMANIQUE AVEC AXELLE

 

Phase 1 : Anticipation

 

Axelle me dit qu’elle aimerait bien me voir ce soir.

Ça tombe bien, c’est réciproque.

 

Phase 2 : Préparation

 

Les soirées avec Axelle sont assez routinières, et j’emporte toujours les même choses avec moi : du tabac, de la bière, et du Poppers.

Mettre une tenue décente. Par « décente », je veux dire « propre ».

Prendre une longue douche à l’huile d’avoine surgrasse en insistant sur les parties du corps qui pourraient servir lors de cette soirée galante. (J’insiste notamment sur l’intérieur des oreilles, où Axelle – allez savoir pourquoi – finit toujours par me ficher la langue quand on fait des trucs de grands.)

 

Phase 3 : Obligations

 

Un passage ennuyeux chez Carrefour. Deux Canettes d’Affligem, un flacon de Poppers, puis passage à la pompe. Dieu que 10 litres de gazole peuvent coûter cher...

 

Phase 4 : La route

 

Avec un livre audio. Aux abords de Caen, je balance Metallica à fond la caisse... ou Jacques Brel, tout dépend de mon humeur.

 

Phase 5 : L’arrivée

 

Axelle est une jolie fille, sept ans de moins que moi, la peau très blanche. Une démarche très anglaise. Une vrai poupée de cire.

(Encore que, du point de vue sonore, quand on fait des trucs de grands, elle devient vite « poupée de son ».) Celle-là, elle était pour toi, Serge.

 

Phase 6 : Nous festoyons, fumant et buvant.

 

Axelle est un peu hippie dans sa tête, et moi je suis réac’ de partout. Je l’ai séduite en faisant une imitation très réussie d’Adolf Hitler.

 

Phase 7 : Échauffement pour galipettes.

 

Afin de ne pas choquer l’auditoire, je parlerai de fleurs et de champignons.

 

 

Phase 8 : Fusion

 

Une pensée pour ce cher Brassens et sa célèbre chasse aux papillons.

Quand je vais chez mes parents, mon père ne manque jamais de me dire : « Admire un peu mes hortensias », et Maman poursuit : « Je suis que tu t’en fiches, mais le rhododendron a de belles couleurs. »

 

Phase 9 : Fission nucléaire

 

Les iris, c’est beau, mais je préfère les roses. D’ailleurs, mon groupe préféré, c’est les Guns N’ Roses.

Je pense à l’élève Ducobu, et au professeur Latouche. Oui, parce que, Axelle, le professeur Latouche.

Enfin !

 

Quelle belle cueillette nous fîmes : quelques hyménomycètes, des hypholomes, et un hydne imbriqué ma fois fort appétissant. Point final.


SOIREE RASOIR AVEC AXELLE

 

Axelle, c’était mon Amie Avec Avantages.

Elle a de longs doigts qui prolongent des mains élégantes, une peau diaphane, comme disent les auteurs qui ont du vocabulaire et qui veulent se la péter un peu, des seins admirablement formés, et une magnifique jupe noire qui s’arrête à ras la salle de jeux. Bref, une vraie poupée de porcelaine.

 

Un soir, après environ un an d’amitié avec avantages, nous étions dans sa chambre d’étudiante, et Axelle était habillée selon le minimum syndical.

Pour rire, je faisais le compte du nombre de fois où nous avions fait des « Trucs de grands » sans être au moins partiellement bourrés. Résultats : j’avais trop de doigts pour compter le nombre de fois où nous l’avions fait sobres.

Ce serait peut-être bien qu’on freine un peu l’alcool, dis-je.

Ce serait effectivement pas une mauvaise idée, confirma-t-elle.

Alors seulement je remarquai l’entaille qu’elle s’était faite au poignet gauche, là où elle se fait toutes les autres entailles qu’elle cache à grands renforts de bracelets, dont un que je lui ai offert.

Tu t’es fait ça quand ?

Euh, il y a trois ou quatre jours.

T’as désinfecté ?

– … (hésitation.)

« Mais c’était une lame de rasoir toute neuve ! a dit Axelle pour sa défense, c’était forcément propre ! »

Alors, je me suis un peu énervé. Je lui ai DE NOUVEAU montré mes « tatouages » faits maisons, sur le bras gauche et sur les cuisses :

Pour la énième fois : qu’est-ce qu’ils ont tous en commun ?

T’étais bourré quand tu t’es entaillé ?

Oui, mais pas que...

T’as utilisé des éclats de verre ?

Oui : mais surtout, j’ai toujours désinfecté après. Merde !

Ça c’est un truc qui m’énerve. Qu’elle fasse ce qu’elle veut de sa peau, je fais pareil, mais qu’elle le fasse proprement ! Et puis, c’est pas comme si elle était novice : elle planque une lame de rasoir exprès pour ça dans la coque de son smartphone !

(D’ailleurs, il m’avait fait le coup une fois en voiture, et j’ai préféré m’arrêter sur le côté, de peur qu’elle dérape sur une grosse veine.)

 

Axelle : Bon, on oublie ?

Moi : Bah, oui, on oublie.

Elle : Ça te dirait de l’essayer ?

Quoi ?

Ma nouvelle lame de rasoir. Elle a servi qu’une fois, c’est du Wilkinson.

Faut voir. T’as de la bière dans le frigo ?

Il m’en reste deux !

– … OK !

 

Ainsi nous poursuivîmes joyeusement notre soirée. (La bière n’avait rien à voir dans le jeu, d’ailleurs.)

On n’a juste pris la lame, et on s’est entaillé le poignet de l’autre une fois, chacun notre tour.

Axelle a commencé. J’ai dit : « Aïe ».

Ensuite je l’ai fait à Axelle, elle a dit : « Ouille ».

À cet instant du récit, je précise qu’Axelle est atteinte du syndrome de Marfan. Entre autres symptômes, ça lui rend la peau plus fine et fragile. Moi, j’avais une plaie normale. Mais elle, les berges, comme on dit dans le jargon, étaient un peu plus écartées.

Et puis, là... là j’ai eu un temps d’arrêt.

« Dites, moi très chère : je suppose que vous n’avez ni antiseptique, ni compresse ni sparadrap dans votre trousse à pharmacie ?

Ben... non. Mais j’ai du scotch et du sopalin.

Foutre Dieu : t’as du bol que je sois contre les violences faites aux femmes. »

 

Sur quoi, nous nous embrassâmes fougueusement, et refîmes des Trucs de grands, sans nous inquiéter vraiment de mettre du sang sur le lit.

 

Note aux plus jeunes lecteurs : vous n’auriez pas dû écouter lire. 

On ne joue pas à se taillader la peau, même si c’est très marrant.

 

 


LETTRE A LA « GEORGE SAND »

 

Ma très chère amie,

 

Je prie chaque soir de pouvoir rentrer dans vos

 

bonnes grâces, mais nous ne serons pas se-

 

reins d’un coup ; vous crierez sans doute

 

après mes sentiments et mon désir résolu

 

de sentir pulser une douleur si plaisante.

 

Mes réflexions sont maladroites, mais souvent encore

 

j’embrasserai avec un empressement affamé vos

 

convictions ; je suivrai vos combats, à des-

 

seins, car ils sont beaux, sublimes dans leur insolence.

 

Conscient de la fougue lunatique de mes humeurs,

 

je souhaite ardemment qu’un jour prochain mon vis-

 

age devienne une vision chaleureuse de réconfort qui

 

pénètre la fente secrètement ouverte de votre

 

cœur blessé ; mais prendrai-je jamais assez de re-

 

cul... Cette idée excite mes rêves.

 

On dit que la nuit porte conseil, aussi

 

je vais profiter de l’obscurité pour vous

 

permettre de réfléchir. J’attendrai votre doux

 

 

baiser jusqu’au bout de la nuit.